Nous longeons le lac Peyehue pour rejoindre la Panamérinaine. L'ambiance n'est pas du tout la même qu'en Argentine: il y a plein de vendeurs ambulants le long de la route: des fruits; des fromages, du miel, du bon pain. Que des bonnes choses qui donnent envie. C'est très vert et plus populaire que derrière la frontière. On préfère!
Nous sommes sur le territoire des Mapuche. Le Chili, et plus particulièrement cette région des lacs, est le coeur de leur territoire. Plusieurs communautés subsistent et les panneaux sur les chemins nous rappellent qu'ils sont encore en lutte notamment sur la question de l'eau. Cette région volcanique est bourrée de thermes et quasiment tous ont été achetés par le secteur privé pour le tourisme.
Nous traversons Osorno, La Union, Panguipulli et ensuite Conaripe. Nous sommes maintenant sur une piste parsemée de thermes: nous aimerions nous laver et passer un bon moment avec les filles. Nous passons les thermes Geometricas auxquelles nous ne nous arrêtons pas car ils sont non seulement blindés de monde mais semblent également trop aménagés. Les tarifs ne sont pas donnés non plus: 20 euros par personne (dixit le guide) ! Nos arrivons aux thermes du Rincon. Le cadre est idyllique mais il y a vraiment trop de monde dans les bassins. Yan ne souhaite pas rester et nous continuons dans l'espoir de trouver un endroit plus sauvage.
Pour cela, nous devons traverser le parc Villarica. Dans le guide, la piste est mentionnée comme difficile. Nous tentons quand même notre chance en pensant rebrousser chemin si cela s'avère impossible à traverser. L'entrée dans le parc est grandiose: les araucarias sont immenses et la nature très dense. On a l'impression d'être dans une forêt préhistorique. Mais la piste est mauvaise et nous sommes obligés de descendre de nombreuses fois pour vérifier l'état du chemin et dégager des troncs. Lise a peur depuis notre aventure brésilienne à chaque fois que nous prenons des pistes incertaines. A un passage difficile, nous nous retrouvons la roue avant droite à un mètre du sol. Nous penchons dangereusement sur la gauche. Yan coupe le contact et toutes les filles descendent. Nous insistons plus qu'il ne faut pour franchir l'obstacle et la panne fatidique se produit: après un gros bruit qui n'annonce rien de bon, Yan constate que nous avons cassé la main meneuse. Nous n'avons plus 4 roues motrices mais uniquement 2 à l'avant et nous sommes au beau milieu d'une piste difficile! Nous n'en menons pas large car nous ne savons pas si nous pouvons rebrousser chemin. Un 4x4 passe et nous choisissons de le suivre avec leur accord afin qu'ils puissent nous aider en cas de soucis. Nous sommes finalement passés avec quelques sueurs froides et nous dormons la nuit juste à la sortie du parc. Nous avons maintenant une panne sur les bras mais tout le monde va bien.
Le lendemain, on ne se laisse pas abattre pour autant, et nous nous arrêtons aux thermes repérés la veille -El Rincon- car au petit matin, il n'y a personne. C'est un coin de paradis au beau milieu de la forêt. L'aménagement des lieux respecte l'environnement: tout est fait en bois et une magnifique cascade tombe non loin de là. Les piscines proposent une eau thermale à 38 degrés. C'est bien agréable de plonger dedans et de s'y prélasser au son de la cascade. Les filles s'en donnent à coeur joie et pataugent comme des reines au milieu de ce cadre magnifique. Il y a très peu de monde ce qui nous arrange! Nous sympathisons quand même avec une famille de chiliens et après le repas nous partons pour régler notre panne mécanique. Yan a son idée sur la question. Nous nous arrêtons pour cela à Conaripe et cherchons un soudeur. Ici, ils courent les rues. Ce monsieur très sympa nous soude la main meneuse au demi-arbre arrière et ça roule! Yan est rassuré et nous repartons tout guillerets.
Nous traversons Villarica. Dans le guide de la Copec, cette région est donnée comme très touristique. Je ne sais pas si la saison est déjà finie -nous sommes à la fin de l'été et la rentrée des classes approche- mais la densité de population n'est pas très importante. Il y a bien des pédalos, des campings, des hôtels signalant le potentiel touristique du coin mais pour l'instant, nous sommes plutôt face à une ville de province tranquille, avec ses vendeurs de framboises énormes et juteuses aux coins des rues. Nous nous en gavons!
Malheureusement, en sortant de la ville, la main meneuse pète à nouveau. La soudure n'a pas tenu! Il va falloir trouver une solution plus radicale: le changement de la pièce semble éminent et nous n'avons pas de main meneuse en stock... Heureusement, nous pouvons quand même rouler en faisant attention. Après avoir tourné un peu, nous trouvons un terrain de foot où dormir au beau milieu d'un village près de Quepe. Nous avons l'autorisation des voisins. Nous sommes la curiosité : plusieurs groupes de jeunes se pointent pour nous demander aimablement d'où nous venons; ce que nous faisons. On nous offre du pain frais; des fruits inconnus et pas très bons mais on les mange quand même oui oui! On nous propose même le gite. Les gens sont adorables et c'est un vrai bonheur de les voir autour de nous avec cette curiosité sincère et bienveillante. Ils nous indiquent également le soudeur du coin où nous nous dirigeons dès le lendemain matin. Il se trouve au fin fond d'un chemin mais malheureusement, il n'est pas là: il travaille au champ. Qu'à cela ne tienne! Sa femme va chercher le grand père pour savoir s'il peut nous aider. Il s'estime capable de faire le boulot et voilà le Yayou et le petit vieux dans l'atelier du soudeur absent en train de démonter l'arbre arrière afin de faire cette fois une bonne soudure et une attache pour que l'arbre ne se déboite pas. Pendant que les hommes bossent, les filles sont avec la famille: il y a 4 enfants en bas âge. Nous discutons tranquillement. Il fait bon, il y a une bonne odeur de campagne. La vie ici ne semblent pas facile mais ces gens ne sont pas démunis: ils travaillent la terre, les enfants vont à l'école et il y a du boulot. Nous repartons après avoir échangé des bracelets brésiliens contre des fleurs du jardin et nous décorons la voiture avec. Tout le monde nous dit que notre pièce doit être à Temuco: forcément c'est la grande ville du coin, il doit tout y avoir! En route pour Temuco: la capitale Mapuche. Je voulais m'y arrêter de toutes façons car les marchés artisanaux y sont apparemment intéressants. La soudure fonctionne: pourvu qu'elle tienne plus longtemps que la dernière!
Nous n'avons pas beaucoup de mal à nous repérer dans cette grande ville. Nous stationnons la voiture dans un parking surveillé et nous allons manger au marché. Au Chili, ils ont la bonne idée d'installer plein de petits restaurants autour des marchés. Après avoir carrément goûter dans les plats de nos voisins de table -quand on ne connait pas, c'est difficile de choisir sur une carte- nous optons tous pour des plats de poissons et de fruits de mer. A l'issue du repas, deux équipes se forment: Yan s'occupe de trouver un marchand de pièces Land Rover et les filles font les marchés. Ca vous étonne?
En fait, le marché artisanal mapuche est décevant. Je pensais trouver de beaux tissages ou des objets en bois mais il y a énormément d'objets faits à la machine. J'aurais dû me faire plaisir à Junin et San Martin de Los Andes, du côté argentin car leur travail était plus beau et moins cher! Tant pis, on passe une bonne après midi avec les filles qui en profitent pour acheter le cadeau d'anniversaire de leur papa. On se retrouve le soir: il n'y a pas de vendeur de pièces Land Rover à Temuco, il faut se diriger vers Santiago qui est à 700 km de là. Nous suivons la Panaméricaine et les villes défilent: Los Angeles; Chillan; Talca; Rancagua. On dort cette nuit là dans une forêt d'Eucalyptus. Plus on monte au nord et plus il fait chaud. Et croyez nous ça fait bizarre de l'écrire mais ça fait aussi bizarre de le dire. On a tellement l'habitude d'avoir le chaud au sud que plus d'une fois nous nous trompons en parlant de ce sujet! Quoi qu'il en soit, ces odeurs d'eucalyptus me rappellent mon sud: le Portugal même si on va vers le nord. Capito?
Le lendemain, nous roulons toute la journée. On commence d'ailleurs à en avoir marre. Et ce ne sont pas les filles qui se plaignent le plus dans ces cas là: elles sont plutôt patientes en voiture car elles y ont leurs petits univers. D'ailleurs, depuis que nous avons quitté JP, nous roulons et nous travaillons tous les jours ce qui permet également de faire passer le temps. Nous avons pris l'habitude de travailler en roulant. Les filles ne sont pas du tout malades : depuis toutes petites elles lisent dans la voiture. De plus, cela permet d'être libérés lorsque nous sommes arrêtés. Le seul souci: elles ne peuvent pas toujours s'appliquer pour écrire. Pour Leia, qui est encore dans l'apprentissage de l'écriture, cela peut être embêtant. Nous la ferons écrire sur une table correctement quand nous le pourrons. Le travail scolaire n'est donc pas quotidien mais il est beaucoup plus efficace qu'en classe car les difficultés sont tout de suite ciblées et remédiées. Les filles ne sont pas joyeuses quand on leur annonce les moments de travail loin de là, mais elles s'y plient tant bien que mal et nous progressons correctement en mathématiques et en français. Pour le reste: histoire, géographie et sciences, nous nous alimentons surtout de tout ce qui nous entoure. Il n'y a pas forcément de traces écrites mais elles ne sont pas en manque dans ces domaines vue toutes les découvertes que nous faisons quotidiennement. Et puis, la lecture est omniprésente : tous les jours elles lisent, surtout Lise. Notre stock de livres s'amenuise: nous verrons s'il sera suffisant pour le reste du voyage. Peut-être rencontrerons nous d'autres enfants voyageurs avec qui nous pourrons faire des échanges? Sinon, elles reliront leurs livres!
La parenthèse scolaire étant finie, nous sommes enfin aux abords de Santiago, la capitale du Chili. Pour être le plus efficace le lendemain dans notre recherche de pièces, nous décidons de dormir dans une station service Copec. Copec est une institution au Chili: c'est non seulement des guides très bien faits et imagés mais également la marque nationale de carburant. Ces stations services sont connues de tous les voyageurs. L'avantage: il y a des douches et nous n'avons pas besoin de sortir de l'autoroute pour chercher un endroit où dormir. Cela peut parfois prendre plus d'une heure, surtout aux abords des grandes villes. L'inconvénient: ce n'est pas très bucolique; ça pue le gasoil et c'est bruyant surtout quand on est au beau milieu des camions... Pour cette fois ça ira... L'entrée dans la station est assez rocambolesque: nous faisons la queue pour payer notre glace au milieu des minettes en mini jupes, lunettes de soleil, toutes bronzées. J'ai l'impression que tous ces gens brillent et je me sens un peu craspouille. Quand nous découvrons qu'il y a même un lave linge et un sèche linge et que nous entrons avec notre énorme sac baluchon rempli de fringues immondes sentant à 10 000 lieux, nous avons vraiment l'impression d'être sur une autre planète! Le linge est lavé; tout le monde est douché, tout cela pour 3 fois rien. Merci la Copec!
Nous arrivons le lendemain tôt à Santiago. Cette ville est pharaonique. Il y a des ponts qui se superposent comme dans les films américains et on se paume royalement. On finit quand même par trouver le vendeur de pièces Land Rover. Malheureusement, ils n'ont pas la pièce demandée et même en appelant tous les vendeurs de la capitale nous ne la trouverons pas. Il nous faut donc tenir avec notre soudure qui a l'air d'ailleurs de se porter bien. Le petit vieux a bien fait son travail.
Nous décidons de ne pas rester à Santiago et de ne pas aller à Valparaiso qui nous tentait bien pourtant. Nous voulons nous rapprocher du Pérou. Bien nous en a pris car deux jours après, un tremblement de terre d'une magnitude de 8,3 frappait cette région faisant près de 1000 morts. A peu de choses près, nous aurions pu être au milieu de ce désastre.
Février 2010 : La région des lacs Chiliens |
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